(traduction libre et non-officielle de « Surprise: U.K. Law Recognizes That Sentient Animals Are Sentient » de Gary L. Francione)
Surprise : La loi britannique reconnaît que les animaux sentients sont sentients

Le Royaume-Uni propose de faire quelque chose d’absolument révolutionnaire : il va inscrire dans la loi que les animaux sentients sont sentients.
Peu importe qu’en 1789, Jeremy Bentham ait soutenu que l’importance morale des animaux ne dépendait pas de la présence d’attributs cognitifs de type humain, mais uniquement de leur sensibilité : « La question n’est pas de savoir s’ils peuvent raisonner ou parler, mais s’ils peuvent souffrir« . Peu importe que les arguments de Bentham et d’autres aient conduit le Parlement britannique à adopter la loi sur le traitement cruel du bétail en 1822 et la loi sur la cruauté envers les animaux en 1835, ainsi que de nombreux autres textes législatifs, notamment la loi sur les animaux (concernant les procédures scientifiques) de 1986 et la loi sur le bien-être animal de 2006.
Quelqu’un a-t-il douté que ces lois puissent s’appliquer aux pierres ou aux bicyclettes, aux tabourets en bois, aux bâtiments ou aux brins d’herbe ? Non, bien sûr que non. Ces lois n’ont de sens que si les animaux sont sensibles et ont intérêt à ne pas souffrir.
Mais le 13 mai, le gouvernement conservateur britannique a présenté un projet de loi qui reconnaîtra les animaux comme « sentients ». La belle affaire. Cette reconnaissance est inscrite dans la loi britannique depuis très, très longtemps. Mais maintenant, la loi britannique reconnaîtra que les animaux qui peuvent éprouver de la douleur et de la souffrance sont sentients, ce qui est à peu près aussi monumental que de reconnaître qu’une personne qui accepte de raisonner est rationnelle.
Pourquoi maintenant ?
Le contexte est le suivant : en 2017, alors que le Royaume-Uni essayait de trouver comment quitter l’Union européenne, les députés du Parti conservateur ont voté pour ne pas inclure dans le projet de loi sur le retrait de l’UE la partie du traité de Lisbonne qui engageait les nations de l’UE à reconnaître la sensibilité des animaux. À l’époque, les conservateurs ont déclaré que le droit britannique reconnaissait déjà la sensibilité des animaux. Cette déclaration était sans aucun doute correcte. Toutes ces lois britanniques supposent nécessairement que les animaux sont sensibles, car autrement elles n’auraient aucun sens. La loi reconnaît que ces législations s’appliquent aux animaux qui sont « capables d’éprouver de la douleur et de la souffrance », mais ne les qualifie pas de « sentients ».
L’explication officielle des conservateurs était que la loi de l’UE sur le bien-être animal était » insuffisante » et que les Britanniques ne voulaient en aucun cas importer cette insuffisance en l’incluant dans ce qui est devenu la loi de 2018 sur le retrait de l’UE. Le gouvernement a donc affirmé qu’il voulait améliorer le bien-être des animaux et qu’il introduirait une législation progressive sur le bien-être des animaux ainsi qu’une reconnaissance officielle de la sentience des animaux.
L’annonce par le gouvernement britannique de son intention d’inscrire dans la loi la reconnaissance de la sentience des animaux est présentée par ce gouvernement et par les organisations de protection animale comme une sorte de renversement de paradigme qui va changer le monde pour les animaux.
Il est absurde de considérer cela comme un changement monumental. Alors pourquoi ce tapage ?
C’est facile : la politique et l’argent. Cette loi insignifiante permet au gouvernement de jouer les héros et de flatter tous les « amis des animaux » qui votent. Et les opportunités de collecte de fonds pour les organisations animalistes sont infinies. Des groupes comme Humane Society International et Compassion in World Farming, qui promeuvent tous deux une exploitation animale prétendument « humaine » et rejettent l’idée que le véganisme soit un impératif moral, sont là, sur le site gov.uk, à proclamer leur soutien à cette législation. Le représentant de la HSI affirme que « 45 des organisations de protection des animaux les plus respectées du Royaume-Uni se sont unies pour réclamer ce projet de loi. » Wow ! Cela signifie que nous allons être inondés de demandes sans fins de dons de la part de ces organisations afin de reconnaître l’importance de cette victoire sans victoire.
Et les possibilités de collecte de fonds ne feront qu’augmenter. Le 12 mai dernier, le gouvernement britannique a annoncé un Plan d’action pour les animaux, qui fait la promesse d’ouvrir une nouvelle ère en matière de bien-être animal. Ce plan est également promu avec enthousiasme par des organismes de défense des animaux tels que People for the Ethical Treatment of Animals, qui auront sans doute besoin de votre soutien financier pour le concrétiser. En d’autres termes :

Bien que l’on reconnaisse depuis longtemps que les animaux peuvent éprouver de la douleur et de la souffrance, l’exploitation animale est encore largement répandue en Grande-Bretagne. Les gens continuent de manger des animaux, de les porter, de les utiliser et de les tuer à toutes sortes de fins. Et cela ne semble pas près de s’arrêter.
Si les animaux ont une valeur morale, alors la seule réponse rationnelle est de ne pas les manger, les porter ou les utiliser comme ressources pour notre bénéfice – c’est-à-dire devenir végane. Tout le reste n’est qu’une mise en scène superficielle visant à nous rassurer sur la poursuite de l’exploitation des animaux et qui n’a rien à voir avec l’obtention de droits fondamentaux pour les animaux.
~ Gary L. Francione
Gary L. Francione est professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université de Rutgers-Newark. Il a obtenu un baccalauréat en philosophie de l’Université de Rochester, où il a ensuite reçu la bourse Phi Beta Kappa O’Hearn, lui permettant de poursuivre des études supérieures de philosophie, en Grande-Bretagne. Il a ainsi complété une maîtrise en philosophie et un Juris Doctor à l’Université de Virginie où il a, par ailleurs, assumé les fonctions d’éditeur, pour la Virginia Law Review. Il est professeur distingué à la faculté de droit de l’université Rutgers à Newark, dans le New Jersey.
